Questions: les réponses du Bloc québécois

Le 23 septembre, l'Agence Science-Presse envoyait aux cinq partis fédéraux —conservateur, libéral, bloc, NPD, vert— une liste de 10 questions à teneur scientifique. Le NPD et le Parti libéral ont accusé réception de notre envoi. Le Bloc québécois y a répondu le 2 octobre. Voici la liste de ces questions et de leurs réponses.

1- INNOVATION. La science et la technologie pourraient être les facteurs-clefs derrière l’essentiel de la croissance économique du siècle à venir. Quelles politiques permettraient au Canada de demeurer un chef de file de l’innovation?

L’augmentation des transferts en éducation est une priorité pour le Bloc Québécois. Depuis plusieurs années nous faisons pression sur les gouvernements fédéraux successifs afin qu’il ramène au niveau indexé de 1994-1995 les transferts pour l’éducation post secondaire et les programmes sociaux. Le Bloc Québécois considère qu’afin d’assurer la prospérité future de la société québécoise, le Québec doit posséder une main d’œuvre compétente et innovante.

Le Bloc Québécois demande au gouvernement fédéral de mettre en place un programme de prêts et de garanties de prêts afin que les entreprises du secteur manufacturier aux prises avec la crise financière et le ralentissement de la demande intérieure aux États-Unis. Ainsi, les entreprises seront en mesure d’incorporer de nouvelles technologies dans leurs chaînes de production et ainsi, augmenter leur compétitivité.

Finalement, le Bloc Québécois propose de rendre remboursable le crédit d’impôt pour la recherche et le développement. En effet, la structure actuelle du crédit d’impôt fait en sorte que des entreprises aux prises avec un ralentissement de leurs activités économiques n’ont pas toujours intérêt à effectuer des dépenses en recherche et développement. Le Bloc Québécois propose donc de rendre remboursable le crédit d’impôt pour la recherche et le développement afin de fournir l’opportunité aux entreprises qui font peut ou pas de profits de continuer à innover.


2- CLIMAT. Le climat de la planète provoque de nombreuses inquiétudes. Des impacts sur les populations locales, l’économie, la faune et la flore, sont à craindre.

a) Croyez-vous qu’il s’agit d’un problème que votre gouvernement devra affronter en priorité ou si ce problème est davantage du ressort des États-Unis et des pays émergents que sont la Chine et l’Inde?


Partout sur la planète, et particulièrement dans le Nord du Québec et du Canada, les changements climatiques commencent à affecter de manière importante les populations. Il y a urgence d'agir. Tous doivent donc mettre l'épaule à la roue en fonction de leurs moyens.

Une position d'ailleurs adoptée par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), la référence en la matière: afin d’éviter un réchauffement aux conséquences irréversible – soit un réchauffement de 2 degrés Celsius par rapport aux niveaux de l'ère préindustrielle – il faut plafonner les émissions globales de gaz à effet de serre d’ici 10 à 15 ans et les réduire de plus de la moitié par rapport au niveau de 1990 d’ici 2050.

Cela signifie, pour les pays industrialisés, une réduction de 25 à 40 % de leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020. Les pays en voie de développement devront quant à eux faire des efforts substantiels bien que, compte tenu de leur situation économique, aucune réduction absolue n’est exigée à leur endroit. Il serait en effet injuste à ce stade d’obliger les pays en voie de développement à consentir à des efforts aussi importants puisqu’ils émettent, par habitant, jusqu’à 20 fois moins de gaz à effet de serre que les Canadiens.


b) Quelles voies souhaiteriez-vous privilégier pour attaquer le problème des changements climatiques et se préparer à leurs conséquences?

Pour le Bloc Québécois, le meilleur moyen d’assurer un résultat, c'est-à-dire une réelle diminution des GES, c’est en imposant un plafond sur les émissions de gaz à effet de serre à l’aide de cibles absolues et de coupler ce plafond à une bourse du carbone. Plutôt que d’imposer un prix du carbone artificiel, la possibilité de vendre des crédits à un prix intéressant sur la bourse permettront d’établir jour après jour un prix du carbone suffisant pour atteindre les résultats attendus. Cette flexibilité du marché permet d’atteindre les objectifs de réduction à un coût moindre. À titre d’exemple, le prix de la tonne de carbone sur le marché européen atteint présentement 38 dollars sans pour autant mettre en péril leur économie.

Quant aux conséquences bien réelles du réchauffement climatique, le Bloc Québécois trouve qu'il n’est pas normal que le gouvernement fédéral, qui ne s’investit pas dans la lutte aux émissions de GES, laisse supporter l’énorme fardeau financier des conséquences aux provinces et aux collectivités.

Le Bloc Québécois demande donc la création d’un fonds de compensation de 500 millions de dollars, pris à même les surplus 2008-2009, qui permettrait d’une part de dédommager le Québec et les provinces pour les frais déjà encourus pour endiguer les dommages causés par le réchauffement climatique et d’autre part, de leur donner les moyens de financer des mesures pour en limiter les effets futurs.


3- ÉNERGIE. Les scientifiques estiment que nous aurons bientôt consommé la moitié du pétrole que contenait notre planète au XIXe siècle. Que proposez-vous pour continuer de répondre aux demandes en énergie tout en assurant un futur économiquement viable?

Le pétrole étant une ressource non renouvelable qui, inévitablement, verra son prix poussé à la hausse, nous avons tout à gagner à en réduire notre consommation. Le Québec a la chance de pouvoir devenir un leader en ce domaine, d’autant qu’il dispose de tous les atouts nécessaires pour prendre une longueur d’avance en matière d’énergie renouvelable, d’efficacité énergétique et de développement durable.

Préoccupé à la fois par l’environnement et le développement économique durable, le Bloc Québécois propose une séries de mesures stimulantes pour réduire la dépendance du Québec au pétrole, permettant aux entreprises et aux citoyens d’être moins affectés par le prix toujours croissant du pétrole et d'améliorer leur bilan environnemental.

Ainsi, le Bloc Québécois consacrerait 105 millions de dollars supplémentaires par année à la bonification du Fonds pour la production d’énergie renouvelable afin d’encourager davantage le développement des énergies solaire, géothermique et éolienne.

Le Bloc Québécois allouerait 70 millions de dollars annuellement de plus au Programme d’efficacité énergétique pour les bâtiments afin de permettre à plus de citoyens d’améliorer l’efficacité énergétique de leur domicile.

Le Bloc Québécois propose aussi la mise en place d'un fonds préliminaire de 515 millions de dollars sur trois ans serait consacré aux efforts de réduction du chauffage au mazout pour le remplacer par des énergies renouvelables.

Le Bloc Québécois propose également :
o 560 millions de dollars sur 3 ans pour favoriser et accélérer la conversion des flottes commerciales vers les véhicules écologiques;
o 460 millions de dollars sur 3 ans pour maintenir et bonifier le programme écoAUTO afin de rendre encore plus attrayant l’achat de véhicules hybrides ou tout électriques ;
o 280 millions de dollars sur 3 ans pour améliorer les infrastructures de transport intermodal afin de rendre plus intéressants les moyens de transports alternatifs au camionnage ;
o 40 millions de dollars par année pour le développement d’éthanol de deuxième génération produit à partir de déchets (éthanol cellulosique) plutôt que de matières premières utilisables.

Bref, le Bloc Québécois veut donner aux entreprises et aux citoyens du Québec les moyens de réduire leur dépendance au pétrole et donc d'être moins affectés par la diminution inexorable de cette ressource.


4- ÉDUCATION.
a) Le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer dans le développement d’une meilleure compréhension de la science chez les jeunes et les adultes? Si oui, quel serait ce rôle sous votre gouvernement?
b) Si vous aviez le choix, souhaiteriez-vous que la théorie de l’évolution soit enseignée à vos enfants sur un pied d’égalité avec une théorie alternative?


D’emblée, le Bloc Québécois croit aux vertus de la science et doit être enseignée à nos enfants. Toutefois, le fédéral n’a pas de rôle à jouer dans le système scolaire québécois. L’éducation est de compétence exclusive du Québec et des provinces.



5- GÉNÉTIQUE. La génétique offre la promesse d’améliorer la santé humaine et l’alimentation, mais plusieurs personnes sont inquiètes devant les effets néfastes que pourraient avoir, à leur avis, les manipulations génétiques sur la santé et l’agriculture. Quels sont à votre avis les plus gros risques? Quelle politique permettrait un équilibre entre les avantages de la recherche génétique et la protection contre ces risques?

À prime abord, le Bloc croit aussi que la génétique offre la promesse d’améliorer la santé humaine et l’alimentation. Toutefois, le Bloc Québécois, par principe de précaution, croit que l’on doit encadrer adéquatement cette industrie. On ne connaît pas encore les effets à moyen et à long terme des organismes génétiquement modifiés (OGM) pour la santé et l’environnement.

Prenant acte de ce constat, le Bloc Québécois se bat depuis plusieurs années afin d’obliger le gouvernement fédéral à faire preuve de transparence dans le dossier des organismes génétiquement modifiés, en commençant par rendre obligatoire l'étiquetage des aliments génétiquement modifiés ou contenant des ingrédients génétiquement modifiés afin que la population soit informée et puisse choisir les aliments qu'elle consomme. De fait, nous tenons à ce que le principe de précaution soit endossé par le gouvernement canadien en ce qui a trait aux OGM.

Comme vous le savez, le Bloc Québécois réclame depuis 1999 :
o l’étiquetage obligatoire des aliments génétiquement modifiés afin que les consommateurs exercent leur liberté de choisir;
o des tests poussés évaluant les effets à long terme sur la santé humaine et sur l’environnement des OGM;
o l’adoption d’une législation contraignante concernant l’utilisation sécuritaire et responsable des OGM;
o la mise en place d’une structure indépendante d’information et d’éducation du public;
o la ratification du Protocole de Cartagena sur la biosécurité.



6- CELLULES SOUCHES. Les promoteurs de la recherche sur les cellules souches affirment que cette voie peut conduire à des traitements contre plusieurs maladies. Les opposants allèguent plutôt que l’utilisation d’embryons comme source pour ces cellules-souches équivaut à tuer une vie. Quelle est votre position sur cette question? Quelle est votre position sur le financement et la réglementation de la recherche sur les cellules souches?

Les cellules souches offrent un potentiel énorme pour aider à mieux comprendre le développement humain et traiter des maladies dégénératives comme la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer et la sclérose en plaques. Il est toutefois très important de rappeler la compétence constitutionnelle du Québec en matière de santé, de réglementation et d’encadrement de la pratique médicale et de la recherche à l’intérieur des établissements du réseau québécois de santé et de services sociaux. Ainsi, la Cour d’appel du Québec a rendu un jugement (2008 QCCA 1167) relativement à l’inconstitutionnalité des articles 8 à 19, 40 à 53, 60, 61 et 68 de la Loi sur la procréation assistée, L.C. 2004, ch. 2. Il est donc très important d’obtenir les équivalences pour les dispositions réglementaires québécoises déjà en place et les fonds nécessaires pour modifier le système réglementaire et légal québécois en matière de procréation assistée, lorsque cela s’avérera nécessaire. Le Procureur général du Québec reconnaît que les manipulations génétiques et la commercialisation du matériel reproductif humain, objet des prohibitions édictées aux articles 5 à 7 de la Loi, relèvent du droit criminel et donc, de la compétence exclusive du Parlement.

Au niveau fédéral, on retrouve dans la loi les principales recommandations faites par le Comité permanent de le santé dans son rapport de décembre 2001, recommandations que le Bloc Québécois à cautionnées.



7- ARCTIQUE. La fonte des glaces de l’Arctique semble s’accélérer. Comment concilier les retombées économiques positives que cela peut avoir —notamment l’exploitation pétrolière— avec la protection de l’environnement? Est-ce le rôle de votre gouvernement d’empêcher les déversements pétroliers ou de limiter les problèmes écologiques qu’entraînerait un accroissement de la navigation ou du tourisme?

Le Bloc Québécois est préoccupé par les écosystèmes nordiques. Ce sont des milieux fragiles qui sont directement affectés par le réchauffement climatique. De là toute l'importance de mettre de l'avant un véritable plan de réduction des gaz à effet de serre permettant d'éviter des conséquences graves et irréversibles. Il s'agit de la meilleure, voire de la seule, manière de protéger ces écosystèmes de l'Arctique.

Ce même souci de protection doit transpirer dans l'exploitation des ressources que recèle, notamment, le grand nord québécois. Pour le Bloc Québécois, il est clair que le gouvernement fédéral doit, lorsque les projets relèvent de sa compétence, suivre à la lettre un rigoureux processus d'évaluation environnementale qui permet aux citoyens concernés de faire valoir leur point de vue avant de déterminer s'ils peuvent, ou non, aller de l'avant.

Enfin, le gouvernement fédéral, responsable des questions de navigation, doit impérativement s'assurer que les normes les plus strictes s'appliquent dans ses eaux territoriales.



8- OCÉANS. Les scientifiques estiment que 75% des ressources de la pêche dans le monde sont en déclin et que des habitats côtiers sont en danger. Quel rôle devrait jouer le Canada pour protéger ou améliorer la santé des océans?

Le Bloc Québécois propose notamment de travailler à l'établissement de zones protégées en eaux internationales Renforcer l'OPANO pour lutter contre la surpêche, de mettre fin à la pêche au chalut et d’adopter un plan de lutte aux changements climatiques respectant les objectifs du protocole de Kyoto.


9- SCIENTIFIQUE. Plusieurs scientifiques à l’emploi du gouvernement ont affirmé ces dernières années avoir été brimés dans leur liberté d’expression ou jugent, à tort ou à raison, que des études potentiellement dérangeantes pour le gouvernement sont publiées en catimini. Quelle est votre politique quant au droit de parole des scientifiques qui sont à l’emploi du gouvernement, leur liberté d’expression dans les médias ou la promotion d’études dont les conclusions pourraient provoquer une controverse?

Que les scientifiques soient à l’emploi de n’importe quelle institution ou entreprise, ils devraient pouvoir exposer librement les conclusions de leurs recherches, afin d’orienter de nouvelles politiques et/ou d’adapter celles qui sont en place à de nouvelles réalités. Ceci étant dit, le Bloc Québécois croit très fermement que d’orienter politiquement ou idéologiquement des études ou alors faire taire des scientifiques va complètement à l’encontre des principes éthiques qui devraient normalement constituer les bases de notre société.

10- RECHERCHE. Compte tenu des contraintes budgétaires et de la possibilité d’une récession économique qui plane sur nous, quelle place accorderez-vous aux investissements publics dans la recherche, lors de vos prochains budgets?

Le Bloc Québécois réclame que le Québec ait sa juste part en matière de dépenses en recherche et de développement. En 2006, le Québec représentait 27,5% des dépenses en R&D au Canada. C’est d’ailleurs la province qui investissait le plus par habitant avec 952 $/habitant, alors que la moyenne canadienne est de 816 $/habitant. De plus, le Québec est également premier pour sa contribution en R&D au produit intérieur brut provincial (PIBP) avec 2,7%.

Pourtant, en ce qui concerne la R&D effectuée directement par le gouvernement fédéral et ses centres de recherche , 60,0% des emplois en 2006 étaient en Ontario contre un maigre 16,7% au Québec. De plus, l’administration fédérale investit 1,4 milliards $ au Québec contre 2,5 milliards $ en Ontario, soit un écart de 1,1 milliards $. En tenant compte du poids démographique du Québec, c’est 175 millions $ de moins en contribution fédérale. Ce manque s’explique principalement par l’iniquité vécue dans la Région de la Capitale Nationale (RCN).

En fait, le gouvernement fédéral y effectue 95,1% de ses dépenses de recherche en Ontario (913 M$) contre seulement 4,9% au Québec (47 M$). De plus, 95,2% des emplois sont en Ontario contre seulement 4,8% au Québec. Enfin, sur les 27 centres de recherche fédéraux qui sont installés dans la RCN, il n’y en a aucun en Outaouais . Par conséquent, si le Québec obtenait une part respectant la règle du 25/75, c’est 7 centres de recherche fédérales qui pourraient déménager du côté québécois de la rivière avec des retombées de178 M$ de plus en dépenses fédérales.

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